samedi 14 février 2015

Pourquoi ne pas être Charlie ? par La Scarole.

Pourquoi ne pas être Charlie ?

 Les sectaires, les moralisateurs, les biens-pensants, les conformistes, les rétrogrades, les puritains, les "détenteurs de vérité"... sont bien nombreux à s'exprimer en ce moment... moi y compris diront certains !

Au détour d'un article dans un journal local daté du dimanche 8 février, je suis littéralement tombée sur un article Raison et Horizons par Serge Monnier, ancien maire de notre belle cité ponote et professeur  à la retraite de philosophie, ce qui bien sûr n'aura échappé à personne, intitulé "Non, je ne suis pas Charlie".
En long, en large et en travers, il démontre qu'il ne faut pas confondre "défendre la liberté d'expression" et "approuver le contenu de Charlie Hebdo". En effet, on peut "être Charlie" dans un sens universel dès lors qu'on veut protéger la liberté d'expression dans une démocratie sans adhérer à l'esprit du journal. Mais bon... je trouve quand même cela antithétique. Pour cela, il expose plusieurs arguments qui sont censés montrer le bien-fondé de ses propos.
Il commence donc par se positionner en défenseur de la liberté de penser, arguant qu'on ne peut obliger personne à soutenir Charlie Hebdo, insinuant une dictature de la pensée unique.
Ensuite "la loi a toute légitimité pour fixer des limites". Et cite à l'appui Spinoza. Certes !! L'argument d'autorité semble pertinent mais il faudrait aussi rappeler que L'Ethique, rédigée entre 1661 et 1675, paraîtra après sa mort et sera, comme  l'ensemble de ses oeuvres, interdites parce que jugées "profanes, athées et blasphématoires". Dans le Traité théologico-politique, il y critiquait violemment l'usage que les autorités faisaient en général de la religion, utilisée pour "réduire les hommes raisonnables à l'état de bêtes". Pour Spinoza, la religion et la morale relèvent d'une démarche strictement personnelle, l'Etat n'a pas à s'en mêler. Vous comprendrez donc que la justice n'a pas à juger des propos que certains pourraient juger blasphématoires.
Dans une tradition démocratique qu'avait initiée Socrate, il serait  bon de le citer : "Chaque homme a le droit de penser ce qu'il veut". De cela, il en est mort. Certains détracteurs relèveront le mot "penser" mais pour moi "penser", c'est aussi pouvoir s'exprimer librement.
Et Mr Monnier poursuit en citant J.-J. Rousseau «Fais ton bien avec le moindre mal d'autrui qu'il est possible". Pour répondre à cela, je me contenterai de citer une autre phrase de ce philosophe: "Je préfère une liberté périlleuse à un esclavage tranquille".
Enfin, il termine en nous confrontant à la responsabilité éducative. La  démonstration est malhonnête. Personne n'a demandé à ce que Charlie Hebdo soit lu et montré dans les écoles et si tel est le cas on peut penser (les enseignants ne sont pas totalement crétins) que c'était pour initier une réflexion sur les limites de ce qui peut être représenté ou pas. Il discourt ensuite sur les "caricatures injurieuses, licencieuses et graveleuses" / "Caricatures au caractère salace avec moult copulations, fellations, sodomies et autres joyeusetés de la même veine". Oh là là... et ça continue cette fois-ci avec un rappel d'une consigne donnée par Jules Ferry aux instituteurs en 1883 !!!! Nous sommes en 2015. La fellation, la sodomie, la copulation sont donc des trucs salaces... ou parlons-nous tout simplement de sexe, de plaisir et de vie. Dans ma bibliothèque traînent des ouvrages de Wolinski, de Vuillemin et ses sales blagues, de Siné et ô misère des exemplaires de l'Echo des Savannes, de Fluide Glacial, Hara Kiri et tant d'autres. Je ne vois rien de dégradant dans tout cela. A la lecture de ces bouquins, j'ai ri, j'ai pu m'offusquer mais j'ai aussi appris l'impertinence, la répartie, la conscience politique et surtout le fait qu'on peut et qu'on doit rire de tout.

La caricature, c'est donc le droit de se moquer pour faire rire (réfléchir et dénoncer aussi) sur le pouvoir et plus généralement de la connerie de tous bords. Charlie Hebdo ne se moque pas des croyants, mais de ceux, croyants ou curés de tout poil, qui instrumentalisent les dogmes. Charlie Hebdo se moque juste de la connerie. Faire croire que les dessins de Charlie sont simplement injurieux et gratuits est totalement faux.
Saluons tout de même le courage de M.Monnier à exprimer clairement ses opinions. Laurent Wauquiez qui n'a eu de cesse de courir les manifestations en faveur de Charlie (il a multiplié les déplacements, souvenez-vous !), qu'en pense-t-il réellement ? Il ne s'est pas beaucoup exprimé sur le sujet. Se présentant comme un grand fan de BD, il a bien dû tomber sur une oeuvre de Wolinski un peu olé-olé !! Du moins, je l'espère ! Il n'y a pas que YouPorn !
Dans cette page remplie de citations, je clôturerai en reprenant les mots de Riss, rescapé de l'attentat à Charlie Hebdo: "Quand on est athée, on a aussi des convictions".


La Scarole -
le 12 février 2015

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